L’euro est affecté ce lundi face à la situation politique tendue en France. Le Rassemblement national (RN) a annoncé lundi son intention de voter la motion de censure que la gauche pourrait déposer dès cet après-midi sur le très sensible budget de la Sécurité sociale. Notamment si le gouvernement du Premier ministre Michel Barnier avait recours à l’article 49.3 de la Constitution pour le faire adopter sans vote.
Dans ce contexte, vers 12h40 (heure de Paris), la monnaie européenne reculait de 0,49% face au billet vert, à 1,0527 dollar, et perdait 0,38% face à la devise britannique, à 0,8276 pence pour un euro.
Examiné à partir de 15 heures, le texte du budget de la Sécu ne devrait être voté ni par la gauche, ni par l’extrême droite, dans une Assemblée divisée, où le camp présidentiel ne détient pas de majorité. Après avoir entre autres obtenu que le gouvernement réduise l’aide médicale d’État (AME) pour les sans-papiers, le RN exigeait de nouvelles concessions, comme la revalorisation des pensions de retraite.
Mais « le gouvernement a exprimé son souhait de ne pas modifier le PLFSS (projet de loi sur le financement de la sécurité sociale), c’est extrêmement clair et nous avons pris acte de cela » , a indiqué à l’AFP dimanche la présidente du groupe RN à l’Assemblée, Marine Le Pen.
« Le Rassemblement national actionnera le mécanisme du vote de l’arme de la censure, sauf évidemment, miracle de dernière minute, si Michel Barnier venait à revoir sa copie d’ici 15 heures. Mais j’ai peu d’espoir qu’il soit touché par la grâce », a déclaré de son côté lundi le président du parti, Jordan Bardella, au micro de RTL.
Mauvaise nouvelle pour la croissance
Dans un climat politique de plus en plus fébrile, le Premier ministre reste, lui, « ouvert au dialogue comme il l’est depuis le début », a fait savoir son entourage. Si le gouvernement s’effondre, « cela pourrait entraîner des coupes budgétaires et d’autres mesures d’austérité susceptibles de nuire à la croissance économique » , anticipe Kathleen Brooks, de XTB.
Par ailleurs, une nouvelle élection en 2025 pourrait mener le RN au pouvoir. Or, l’analyste doute que ce parti soit en mesure de résorber le déficit public français, actuellement au-dessus de 6% du PIB.
« Des données économiques peu encourageantes et la perspective de baisses de taux importantes de la part de la Banque centrale européenne (BCE) l’année prochaine ajoutent également à la pression » sur la devise européenne, ajoute Kathleen Brooks.
Le ministre de l’Économie Antoine Armand a appelé samedi « chacun à [prendre] ses responsabilités ». « L’absence de budget, l’instabilité politique entraînerait une augmentation soudaine et substantielle des coûts de financement de la dette française », a fait valoir le ministre lors d’un point presse au lendemain du maintien de la note de la France par l’agence S&P.
En cas de censure du gouvernement, « notre crédit serait atteint », a estimé de son côté le premier président de la Cour des Comptes, Pierre Moscovici, dans un entretien à La Tribune Dimanche . « Quand on examine objectivement les différents scénarios, on voit qu’il ne faut pas tomber dans le catastrophisme, mais pas non plus se rassurer à bon compte », a-t-il poursuivi. Avant d’alerter :
« Le coût de notre dette est désormais plus élevé que celui de la dette grecque. Cela dégrade notre crédit et notre crédibilité, et pourrait s’aggraver ».
Le dollar dépasse la livre
Par ailleurs, le dollar gagne à 12h45 (heure de Paris) 0,10% face à la devise britannique, à 0,7861 livre pour un dollar, soutenu par les récentes déclarations de Donald Trump sur son réseau Truth Social. Le président élu a menacé samedi d’imposer des droits de douane « à 100% » aux neuf pays des BRICS, dont le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud, qui envisagent de créer leur propre monnaie commune pour se passer du dollar, actuellement monnaie de référence pour les échanges mondiaux.
« Cela signifie qu’à partir d’aujourd’hui, la domination du dollar n’est plus volontaire, mais imposée par les États-Unis » , estime Ulrich Leuchtmann, analyste chez Commerzbank. La semaine dernière, Donald Trump avait déjà dit vouloir imposer au Mexique et au Canada des droits de douane de 25% sur l’ensemble des produits importés aux Etats-Unis.