Les NFT et l’Appropriation Illicite: Quand le Numérique Menace le Patrimoine Artistique

Dans l’univers en pleine expansion des NFT (jetons non fongibles), un phénomène préoccupant prend de l’ampleur: la reproduction non autorisée d’œuvres d’art sous forme numérique. Cette nouvelle forme de contrefaçon transforme illégalement des créations artistiques en lignes de code vendues sur des plateformes spécialisées, soulevant de sérieuses questions juridiques et éthiques.

Pour les professionnels chargés de protéger l’héritage des grands artistes, le défi est considérable. Claudia Andrieu, responsable juridique de Picasso Administration, l’organisme qui gère les droits de l’œuvre du maître espagnol, se trouve confrontée à une tâche quasi impossible. Habituée à combattre la contrefaçon traditionnelle en s’appuyant sur le droit d’auteur et le droit des marques, elle qualifie le phénomène NFT de “véritable dinguerie” et de “monde sauvage, totalement dérégulé tant au niveau de la propriété intellectuelle que du droit fiscal.”

L’ampleur du problème est stupéfiante. Sur OpenSea, principale plateforme de vente de NFT, on dénombre plus de 2,2 millions d’occurrences associées au nom “Picasso”. La situation a atteint un niveau critique en septembre dernier lorsqu’un NFT créé par l’artiste Trevor Jones, représentant le célèbre taureau de Picasso en version animée, a dû être retiré d’une vente chez Christie’s suite à l’intervention de Picasso Administration. Ironiquement, cette même œuvre numérique non autorisée est aujourd’hui disponible à la vente sur OpenSea.

En novembre, Claudia Andrieu découvrait avec consternation l’existence de Picassol.io, une plateforme proposant ouvertement des NFT d’œuvres du célèbre peintre.

Cette situation met en lumière les failles d’un système où le droit de la propriété intellectuelle peine à s’adapter à la révolution numérique. Les ayants droit se retrouvent démunis face à des plateformes décentralisées, opérant souvent dans un flou juridique international, et à des technologies qui permettent de reproduire et modifier instantanément des œuvres protégées.

Le problème dépasse le simple cadre du marché de l’art pour soulever des questions fondamentales sur la protection du patrimoine culturel à l’ère numérique et sur la nécessité d’établir une régulation adaptée à ces nouvelles formes d’appropriation.