Impôt sur le revenu : même sans budget, il ne devrait pas augmenter

Y aura-t-il un budget à Noël ? L’hypothèse paraît désormais improbable. Ce lundi après-midi, à l’Assemblée nationale, le Premier ministre Michel Barnier a annoncé l’utilisation de l’article 49-3 pour faire adopter le budget de la Sécurité sociale. Dans la foulée, la présidente du groupe La France insoumise (LFI), Mathilde Panot, a fait savoir qu’une motion de censure serait déposée par la gauche . Démarche identique à l’autre bout de l’échiquier politique où la présidente du groupe Rassemblement national au Palais Bourbon, Marine Le Pen, a rapidement indiqué : « Nous déposons une motion de censure et nous voterons la censure du gouvernement. »

Dans ce contexte, si le gouvernement de Michel Barnier venait à tomber cette semaine, le projet de loi de finances (PLF) pour 2025 ne pourrait pas être adopté. Et selon l’exécutif, ce scénario n’est pas sans risque pour la fiscalité des ménages. Dimanche, le ministre du Budget Laurent Saint-Martin a mis en garde dans Le Parisien : « Si on reconduit le budget 2024, on fait rentrer mécaniquement 380.000 foyers français supplémentaires dans l’impôt sur le revenu, parce que le barème n’aura pas suivi l’inflation et 17 millions de foyers paieront plus également. »

Car, techniquement, sans loi de finances, exit l’article 2 du texte (dans sa version initiale), qui prévoit l’indexation des « tranches de revenus du barème de l’impôt sur le revenu (IR), ainsi que les seuils et limites qui lui sont associés sur la prévision d’évolution de l’indice des prix à la consommation hors tabacs de 2024 par rapport à 2023, soit 2%. » Une mesure prise, presque chaque année, pour protéger les contribuables des hausses de prix.

Faute de temps, le nouveau gouvernement (ou le gouvernement démissionnaire de Michel Barnier) sera surtout contraint de solliciter l’article 47-4, alinéa 4 de la Constitution d’ici la fin de l’année pour demander « d’urgence au Parlement l’autorisation de percevoir les impôts » . Ce qu’a confirmé le Premier président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, dans un entretien ce week-end à La Tribune dimanche « Ceux qui seraient prêts à censurer le gouvernement ont déjà dit qu’ils voteraient une telle loi » , a voulu rassurer l’ancien locataire de Bercy.

Une loi de finances rétroactive

Mais dans ce cas, « c’est le barème de l’impôt sur le revenu appliqué aux revenus 2023 qui s’appliquera encore aux revenus 2024 » , confirme Alexandre Maitrot de la Motte, professeur de droit public à l’université Paris-Est Créteil. « Cependant, rien n’interdit de faire voter plus tard dans l’année une loi de finances avec effet rétroactif au 1er janvier pour corriger le barème » , précise l’expert.

« Il est donc faux de dire que le rejet du budget à ce stade équivaut à une hausse d’impôts ! » , réagit auprès de La Tribune , la députée socialiste et questeure de l’Assemblée nationale Christine Pirès Beaune qui s’agace des « éléments de langage » distillés par Bercy dans la presse ce week-end.

Dans l’idéal, selon Alexandre Maitrot de la Motte, il faudrait qu’une loi de finances soit votée avant la période déclarative du printemps prochain, histoire de pouvoir indexer le barème de l’impôt sur le revenu sur l’inflation comme prévu. Mais si la crise politique venait à durer, Bercy pourrait tout de même rembourser les foyers fiscaux, pénalisés par la non-revalorisation sur l’inflation, a posteriori. « C’est tout à fait rattrapable, reprend le professeur de droit public, avec, par exemple, un crédit d’impôt ur le modèle de ce qui avait été mis en place sur les revenus 2018 (Crédit d’impôt modernisation du recouvrement) pour le passage au prélèvement à la source en janvier 2019. »