L’indépendance de la Réserve fédérale sous pression politique
Face aux déclarations récentes du président américain, une analyse des enjeux liés à l’autonomie des institutions monétaires
Dans un contexte économique mondial en pleine transformation, où les piliers de l’orthodoxie économique des dernières décennies sont remis en question, l’indépendance des banques centrales apparaît désormais comme un principe fragilisé. Alors que la fragmentation de la mondialisation se confirme chaque jour davantage, un autre fondement essentiel du système économique contemporain fait l’objet de pressions croissantes.
Le jeudi 17 avril, les tensions ont atteint un nouveau palier lorsque Donald Trump a ouvertement critiqué Jerome Powell, le président de la Réserve fédérale américaine (Fed), déclarant que la “fin de son mandat n’arrivera jamais assez vite”. Cette attaque frontale illustre parfaitement les défis auxquels sont confrontées les institutions monétaires dans un environnement politique de plus en plus interventionniste.
Pour tout dirigeant politique, la tentation d’influencer la politique monétaire est considérable. La baisse des taux d’intérêt peut apparaître comme une solution miracle pour stimuler l’économie. Cependant, les risques d’une telle ingérence sont substantiels, comme le démontre l’exemple turc.
Le même jour, la banque centrale de Turquie s’est vue contrainte d’augmenter drastiquement ses taux directeurs de 3,5 points pour atteindre le niveau vertigineux de 46%. Cette mesure d’urgence visait à stabiliser la lire turque, en chute libre depuis l’arrestation du maire d’Istanbul, Ekrem Imamoglu, survenue un mois plus tôt.
Si les taux d’intérêt turcs atteignent aujourd’hui ces niveaux extraordinairement élevés, c’est en grande partie la conséquence des interventions répétées du président Recep Tayyip Erdogan dans la politique monétaire du pays depuis plus d’une décennie. L’illustration la plus flagrante de cette ingérence s’est produite lors de la campagne présidentielle de mai 2023. Alors que la pression inflationniste post-pandémique était forte à l’échelle mondiale et que la plupart des banques centrales relevaient leurs taux pour contenir l’inflation, l’institution monétaire turque a fait le choix inverse, réduisant ses taux directeurs de 19% en septembre 2021 à 8,5% juste avant le scrutin.
Cette situation soulève des questions fondamentales sur l’équilibre délicat entre politique et économie, ainsi que sur les conséquences potentiellement déstabilisatrices d’une remise en cause de l’indépendance des institutions monétaires dans les grandes économies mondiales.